samedi 16 avril 2011

Esprit de système (CP/M - Digital Research - Gary Kildall)


Depuis sa création, le système d'exploitation CP/M (Control Program for Microprocessors) est devenu une véritable norme en informatique. Son succès a bouleversé la vie de son concepteur, Gary Kildall.




Gary Kildall était membre de l'équipe de recherche qui mit au point, pour Intel, le microprocesseur 8080. Sa première version du CP/M, créée en 1974, avait pour but de fournir un compilateur PL/M — le premier langage évolué produit par la compagnie. Il y ajouta l'année suivante un éditeur (ED), un assembleur (ASM), ainsi qu'un programme de recherche d'erreurs (DDT). Il offrit le tout à Intel qui déclina la proposition : ce refus fut sans doute la plus grande chance de sa vie. Associé à Dorothy McEwan, il se mit à publier des revues pour passionnés d'informatique, et à vendre aux amateurs des copies de son système d'exploitation. Le succès fut immédiat.

Volontairement ou non, Kildall avait en effet mis au point un programme qui apportait un début de solution au plus gros problème alors rencontré par la micro-informatique naissante : la compatibilité. Les trois micro-ordinateurs les plus répandus à la fin des années soixante-dix (le PET, l'Apple, le TRS Tandy) avaient des systèmes d'exploitation de disquettes tout à fait différents, et les firmes productrices de logiciels étaient contraintes de choisir un format ou un autre : il fallait donc récrire tout programme destiné à une machine particulière, puisqu'il ne tournait pas sur les deux autres. CP/M changea tout cela : son immense popularité le fit adopter par de nombreux constructeurs, dont les ordinateurs abritaient un 8080 d'Intel ou un Z80 de Zilog : le système permettait une manipulation aisée de l'écran, de l'imprimante, des disquettes, du clavier... Son succès en fit une norme de fait, pour laquelle on écrivait toujours plus de logiciels nouveaux, ce qui était une raison supplémentaire de recourir à lui.

CP/M était au départ l'abréviation de Control Program Monitor : ce titre d'allure modeste céda assez vite la place à celui de Control Program for Microprocessors. Dans un premier temps, seuls quelques utilisateurs choisis purent en bénéficier; en 1976, toutefois, Kildall se vit assailli de tant de demandes qu'il abandonna son poste de professeur d'informatique à l'université navale de Monterey pour fonder Digital Research à Pacific Grove, en Californie.

La nouvelle compagnie s'intéressa aux systèmes multi-utilisateurs à l'intention desquels elle lança MP/M, qui devait être pleinement compatible avec CP/M, mais qui ne connut jamais le même succès. Ce que devait savoir un programmeur (découpage des zones allouées aux utilisations, nature des diverses configurations, etc.) n'avait rien d'évident; de surcroît, le maniement des fichiers différait parfois de celui de CP/M. Enfin la baisse du prix de revient d'un microprocesseur rendait inutile le partage d'une même unité centrale entre plusieurs personnes. MP/M, bien que revu plusieurs fois, ne devint jamais populaire.

Digital Research obtint des fonds de plusieurs compagnies, spécialisées dans le « capital-risque », pour devenir en 1981 une véritable multinationale, particulièrement bien implantée en Europe (elle a des bureaux en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne). A peu près à la même époque, elle fit tout son possible pour signer avec IBM un contrat et mettre au point le système d'exploitation du tout nouvel ordinateur individuel que « Big Blue » s'apprêtait à lancer. Microsoft finit cependant par l'emporter, mais Digital Research, ne s'avouant pas vaincue, a depuis adapté le CP/M afin qu'il soit compatible avec les microprocesseurs 8088 et 8086 d'Intel, et donc avec le PC et son système d'exploitation MS-DOS.

Elle est allée encore plus loin avec le Concurrent CP/M. Il fonctionne à l'inverse du MP/M, puisqu'il permet à plusieurs programmes d'être exécutés simultanément. Un particulier peut ainsi travailler à trois tâches différentes en même temps, et passer à volonté d'un tableur à un courrier électronique ou à un générateur d'états. Chaque écran correspondant — ou même une partie de celui-ci — peut être affiché au même moment grâce à des « fenêtres ». Les versions récentes du système devraient, elles aussi, accepter la plupart des programmes rédigés pour le DOS de l'IBM PC.

L'une des décisions les plus importantes de Digital Research (imitée en cela par bien d'autres compagnies) est de recourir exclusivement au langage C pour tous ses travaux de développement.

Il est sans doute justifié de dire qu'une véritable portabilité ne s'obtient que par le biais de langages très évolués. Mais Digital Research, qui cherche aussi à occuper le marché de l'informatique individuelle, a créé un département spécialisé et propose de nombreux langages à l'intention de divers micro-ordinateurs : Personal BASIC, Personal CP/M, ainsi qu'une version particulière de LOGO. CP/M-86 et Personal CP/M doivent être stockés en mémoire morte, et seront bientôt disponibles sur un microprocesseur Z80, grâce à un accord conclu avec Zilog. C'est là un bon moyen de prolonger la vie active de bon nombre de programmes CP/M « standard » déjà anciens : leur bas prix les mettra à la portée du simple particulier.

VIP et GSX sont deux autres systèmes riches de multiples potentialités, VIP est un « langage de commande » visuel bon marché, uniformément utilisé par le programmeur quel que soit le programme d'application en cours d'exécution. Il est possible de manipuler les mêmes données pour plusieurs programmes différents, et de les transférer de l'un à l'autre. De ce point de vue VIP est assez semblable au Macintosh et à la Lisa d'Apple, mais se montre beaucoup moins gourmand en mémoire : il peut tourner sur tout ordinateur comportant plus de 50 K de RAM, et équipé d'une mémoire auxiliaire sur disquette de 150 K ou plus.

GSX est censé faire pour le graphisme ce que CP/M fait pour les disquettes. Il a recours à un ensemble de fonctions graphiques qui peuvent être mises en œuvre sur des matériels très différents : un programme GSX tournera sans modifications sur un écran couleur, noir et blanc, sur une imprimante ou une table traçante. Pourtant des difficultés subsistent : le système ne peut parvenir à la qualité des programmes rédigés pour un appareil spécifique, et souffre du manque de logiciels.

Bien qu'étant l'une des toutes premières firmes sur le marché de la micro-informatique, Digital Research n'entend pas se reposer sur ses lauriers. Outre des produits comme le LOGO, GSX ou VIP, elle entend imiter Microsoft et aborder le domaine prometteur des programmes d'application. Le succès jamais démenti du CP/M lui permet d'envisager l'avenir avec confiance.


LOGO

Digital Research a abordé victorieusement le marché des langages de programmation. Son DR LOGO a, comme toutes les bonnes versions du LOGO, de remarquables possibilités graphiques.


Graphisme de gestion

GSX est un logiciel d'avant-garde destiné à rendre les applications graphiques transférables d'une machine à l'autre. C'est le cas de ce graphisme de gestion présenté ici. 

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