dimanche 17 avril 2011

Imagine Software - L'imagination règne


Imagine Software, société créatrice de logiciels, est née fin 1982 en Grande-Bretagne. Son succès est un exemple. Il peut être médité de ce côté-ci de la Manche.




Comme toujours en de pareils cas, Imagine a percé en ce domaine grâce à la réunion de talents multiples. Les fondateurs, David Law-son et Mark Butler, tous deux de Liverpool, amenaient avec eux les deux éléments essentiels à toute entreprise commerciale : vastes connaissances techniques et sens des affaires.

Imagine s'est spécialisé dans la création de programmes destinés à la gamme d'ordinateurs Commodore. Quatre d'entre eux — Bewitched, Catcha Snatcha, Wacky Waiters et cet énorme succès que fut Arcadia — se retrouvèrent ainsi au même moment dans les dix premières places du hit-parade des jeux pour ordinateurs. Commodore ne s'est pas montré ingrat, et a même invité les responsables de la firme à visiter ses bureaux et son usine de Norristown (Pennsylvanie) en 1983, afin qu'ils puissent voir de près le 264 et le V364, deux appareils qui seront bientôt commercialisés. Ils sont destinés aux amateurs de jeux, et jusqu'à présent Commodore a résisté à la tentation de monter les prix dans l'espoir d'attirer les utilisateurs intéressés par la petite gestion. Cette jeune compagnie qu'est Imagine a ainsi connu la consécration : la firme de Jack Tramiel lui a, à l'issue de cette visite, commandé deux programmes de jeux.

En grande-Bretagne, par contre, c'est le Spec-trum qui dispose de la ludothèque la plus vaste. Mais Butler et Lawson n'ont pas toujours entretenu les meilleures relations avec sir Clive Sinclair. Lorsqu'ils quittèrent Bug-Byte, la firme où ils avaient fait leurs premières armes, ils lui rendirent visite mais ne purent parvenir à un accord de collaboration. La politique d'Imaginé est que tous ses jeux peuvent être convertis pour un appareil nouveau, sans qu'il y ait besoin de modifier autre chose que les adresses mémoire de certaines parties du programme.

Le QL est construit autour du 68000 de Motorola, et les programmeurs qui en ont une connaissance réelle sont déjà employés ailleurs, ou enseignent l'informatique dans les facultés. Psion, la compagnie à qui on doit les quatre programmes qui accompagnent l'appareil, a bénéficié d'une avance d'un an : les caractéristiques du QL lui ont été communiquées au préalable, et ses ingénieurs ont utilisé un mini-ordinateur Vax pour en reproduire les particularités.

Afin de recruter des programmeurs capables de maîtriser le 68000, Imagine a cherché à pourvoir de nombreux postes par l'intermédiaire des petites annonces, mais les résultats ont été décevants. Malgré un nombre énorme de candidatures, peu de postulants avaient plus de quelques mois d'expérience, et beaucoup d'entre eux se révélèrent incapables de traduire ne serait-ce qu'un seul jeu en langage machine. Il était difficile, dans ces conditions, de lancer une nouvelle génération de projets de programmation !

Imagine semble aujourd'hui vouloir s'introduire sur le marché du logiciel de gestion, plus lucratif, mais où la compétition est sévère. C'est en fait le résultat de manœuvres d'approche faites par Apple. D'abord surprise, la firme de Liverpool n'a pas tardé à saisir la philosophie de la célèbre compagnie californienne : présentation sur écran de menus d'usage facile, emploi de fenêtres et d'« icônes » contrôlées par une souris. Elle a donc fait de même pour nombre de ses jeux, dans lesquels le graphisme et l'action — qui n'est jamais contrôlée à partir du clavier — constituent des facteurs clés.

Imagine connaissait parfaitement la technologie huit bits d'Apple : depuis ses débuts, tous ses programmes étaient rédigés sur des Apple Ile. C'étaient là des conditions idéales pour une collaboration fructueuse. La firme a par ailleurs fait l'acquisition de plusieurs ordinateurs Sage IV, pour accroître la vitesse de traitement et la puissance de calcul. Dave Law-son a écrit certains programmes, à leur tour utilisés pour la création de jeux; et ceux-ci subissent ensuite une compilation croisée (ils sont compilés sur une machine afin de pouvoir tourner sur une autre). Le Sage IV est pourvu d'une RAM installée sur disque à grande capacité, ce qui est inestimable lorsqu'on doit travailler en langage assembleur. Utiliser un tel appareil permet d'économiser le temps que les programmeurs passent d'habitude à attendre que les programmes soient compilés. Le Sage dispose également du système P de l'UCSD (université de Californie à San Diego), qui met en œuvre le langage pascal grâce auquel on peut simuler le fonctionnement du Mac Intosh et de Lisa. Tous deux, en effet, ont recours au pascal à Parrière-plan. Ce terme, comme celui de « premier plan » s'applique aux ordinateurs sur lesquels on peut faire tourner plusieurs programmes à la fois. Le programme « de front » a toujours la priorité, mais dans certaines conditions le programme « de fond » peut être mis en route.

Comme bien d'autres firmes, Imagine s'est intéressé au langage C, extrêmement sophistiqué, et surtout transférable : sa structure modulaire le rend particulièrement apte à la réalisation de logiciels de fonctionnement des systèmes.

Il est difficile de trouver des programmeurs ayant à la fois l'expérience du langage C et de l'ordinateur Sage. Imagine prospecte donc les universités et les milieux de l'informatique dans l'espoir de rencontrer des gens suffisamment compétents en ce domaine.

La formule gagnante

Qu'est-ce qui fait le succès commercial d'un programme? Sans doute une sorte d'attrait instructif. Lorsque Mark Butler et Dave Lawson décidèrent d'unir leurs efforts et de créer Imagine, ils tirèrent parti de leur expérience au sein du Bug-Byte, où l'on pratiquait intensément le « brainstorming » en essayant de se mettre à la place du fanatique de jeux. C'est là un point capital, et il est absolument nécessaire de se poser des questions du genre : « Si c'était mon premier ordinateur, et que je l'aie depuis un mois, ou six mois, qu'est-ce que je demanderais à ce jeu? Pourquoi y jouerais-je, et combien de temps? Est-ce que j'aimerais les effets sonores, ou tel effet graphique à tel endroit de la partie? » Le concepteur doit être capable, mentalement, de réfléchir comme le client potentiel.

La firme est désormais trop importante pour que deux personnes puissent à elles seules concevoir tous les programmes de jeux, et une équipe de huit graphistes s'en charge, travaillant à l'animation, bâtissant des intrigues pour de nouveaux produits, qui sont ensuite testés par le personnel — mais pas par les programmeurs : à ce stade, les considérations techniques sont tout simplement superflues.

Bien des gens ont malheureusement appris à ne pas payer pour un jeu. Le piratage est un problème bien réel : on estime que pour une cassette vendue commercialement, sept copies sont réalisées. Il suffit la plupart du temps d'opérer un simple transfert d'une bande à l'autre. On peut, bien entendu, empêcher ou limiter de telles pratiques par des mesures préventives, mais elles sont onéreuses, et le consommateur devra donc en supporter le coût. Imagine perd de l'argent de cette façon, mais comme les ventes officielles restent malgré tout très importantes, la firme n'a pas encore pris de décision.

Il se peut d'ailleurs que la cassette disparaisse bientôt, supplantée par la disquette et la cartouche. On peut même envisager des méthodes de distribution entièrement nouvelles : un ordinateur central pourrait être relié à un appareil domestique par l'intermédiaire des lignes téléphoniques qui transmettront la télévision par câble. 

Une compagnie qui veut prospérer au cours des années qui viennent doit dès aujourd'hui tenir compte de tous ces changements.


Catcha Snatcha

Destiné au Vic-20, ce jeu met en scène le détective d'un grand magasin; il doit capturer des voleurs, retrouver des objets perdus, rendre les enfants égarés à leurs parents. C'est à la fois une poursuite et un jeu de labyrinthe.


Bewitched
Encore un labyrinthe, mais un peu différent en ce sens que pour progresser il faut parfois réussir à ouvrir des portes. Pour compliquer les choses, certaines restent d'ailleurs obstinément closes. Les couloirs sont fréquentés par des fantômes qu'il vaut mieux éviter.



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