samedi 16 avril 2011

Lève-toi et joue (Atari - Nolan Bushnell)


Lorsque Nolan Bushnell connecta un microprocesseur à son poste de télévision et mit au point Pong, le premier jeu vidéo, il ne se doutait sans doute pas des conséquences.





L'idée de Bushnell était simple : donner au spectateur le moyen de contrôler ce qu'il voyait sur l'écran... De quoi bouleverser l'industrie du divertissement, captiver des millions de jeunes, et causer le plus grand tort à leur argent de poche.

Avec deux partenaires, Ted Dabney et Larry Bryan, Bushnell consacra quelques centaines de dollars à la promotion de Pong. A sa première apparition en 1972, à Sunnyvale (Californie), Pong ne tarda pas à se montrer extrêmement rentable. Les jeux vidéo venaient de naître et, avec eux, la société Atari, que Nolan Bushnell fonda à cette époque. Peu après, la décision fut prise d'acheter les droits de l'invention de Bushnell. C'est en 1976 que la grande compagnie américaine, la Warner Communications Inc., rachète Atari. Au passage, Bushnell reçoit quelque 15 millions de dollars. Multimillionnaire en moins de quatre ans!... De là date la domination d'Atari sur le marché des jeux vidéo, même si c'est la filiale américaine de Philips, Magnavox, qui proposa la première le système de la console de jeux branchée sur un téléviseur.

La firme maintint sa position dominante jusqu'à la fin des années soixante-dix, quand les habitués commencèrent à délaisser les jeux d'arcades pour les micro-ordinateurs. Vendre des jeux est un peu comme vendre des disques : il faut dénicher les futures vedettes et assurer leur promotion. Il était donc logique qu'Atari entrât dans le giron de Warner Communication International, cet énorme conglomérat financier bien connu dans les milieux de la musique et du cinéma. Mais la période des vaches grasses prit fin, et en 1983 les recettes diminuèrent d'environ 25 %.

Habilement lancé par Atari, Space Invaders, de la firme japonaise Taito, est sans doute le plus connu de tous les jeux pour ordinateurs. II devint un véritable phénomène social, et donna naissance à d'innombrables répliques de ce « combat à mort à travers la galaxie ». Continuant sur sa lancée, Atari mit en circulation d'autres gros succès : Asteroids, Battlezone, Centipede, Lunar Lander, Missile Command, The Tempest, et, jusqu'à la fin des années soixante-dix, fut au centre du boom des jeux d'arcades.

Puis celui-là s'interrompit aussi brutalement qu'il avait commencé. Les clients étaient passés aux micro-ordinateurs pour deux grandes raisons : on pouvait jouer aux mêmes jeux, mais sans bourse délier; et on disposait par surcroît d'une machine capable de faire bien des choses.


Atari entreprit d'abord d'adapter ses meilleurs jeux d'arcades à l'intention des ordinateurs domestiques. Des cartouches à semiconducteurs s'enfichaient à l'arrière de ceux-ci et suppléaient ou remplaçaient la mémoire morte. Le système était très pratique, puisqu'on n'avait pas besoin de charger le programme à partir d'une cassette ou d'une disquette; mais l'emploi des semi-conducteurs imposait des prix de vente élevés. Par ailleurs, les cartouches n'étant pas reprogrammables (leur contenu était gravé dans les circuits), l'échec commercial d'un jeu laissait à la firme des stocks inutilisables.

La roue tourne

Atari commit aussi de grosses erreurs de marché. Les prévisions de ventes avaient été établies par référence à celles de PacMan, qui avait connu un succès colossal; il fallut bien payer le prix de cet optimisme surfait. Les invendus firent l'objet d'un inventaire, et quatorze camions  menèrent jusqu'à  un grand trou, creusé dans le désert du Nevada, des cartouches qui valaient entre 8 et 25 dollars...

Atari négligea également une particularité unique des jeux pour ordinateurs : il n'est pas nécessaire de les déposer sur un support tangible; on peut les transmettre sans problème par téléphone ou par câble, les diffuser à la radio ou à la télévision.

Pour cela, il est désormais possible de recourir à des techniques ou à des matériels nouveaux. En 1983, par exemple, une compagnie américaine, la Romox Corporation, dévoila une machine appelée Romox Programming Terminal. Elle comporte un disque d'une capacité de 15 méga-octets, qui peut être mis en relation par téléphone avec une base de données comportant de nombreux logiciels de jeux. Il y a aussi un programmeur d'EPROM, sur lequel on peut enficher la plupart des cartouches. Cela signifie qu'on peut désormais se rendre chez le détaillant le plus proche, consulter la liste des jeux les plus vendus, en choisir un et le voir aussitôt gravé sur une cartouche Romox vierge.

Toujours aux États-Unis, Bill van Meister a lancé Gameline, dont on pourrait résumer la formule par : « Jouez maintenant, payez plus tard ! » La firme vend un modem qui raccorde la console de jeux Atari VCS au téléphone. Il en coûte 1 dollar pour trois quarts d'heure de jeu.


Deux des plus gros réseaux informatiques de communication des États-Unis, Compuserve et The Source, proposent des jeux parmi l'éventail de services qu'ils offrent à leurs abonnés. Coleco, autre célèbre fournisseur de jeux vidéo, a conclu un accord avec ATT (American Téléphone and Telegraph) pour promouvoir un système de jeu interactif. Atari, pensant également que là est l'avenir, s'est associé avec Acti-vision pour un projet nommé Ataritel. Encore mystérieux, ce projet doit aussi lui permettre l'envoi de programmes de jeux par téléphone. Tant que la firme appartiendra au groupe Warner, tout restera possible : car la maison mère possède la Warner Amex Cable Communications, un réseau dont tout dépend; si elle décidait de mettre en vente Atari, le projet n'aurait plus de raison d'être.

Les problèmes d'Atari, bien réels, viennent en partie des luttes internes entre le département des jeux vidéo, en perte de vitesse, et celui des ordinateurs domestiques, en pleine croissance. La firme propose cependant toute une gamme de micro-ordinateurs qui ont longtemps été parmi les meilleurs pour ce qui est des possibilités graphiques et de la commodité d'emploi. Les nouveaux modèles disposent de trois circuits intégrés spécifiques, familièrement appelés Pokey (ports d'entrée et de sortie), Antic (le graphisme) et GTIA (la couleur).

Tous sont construits autour du microprocesseur 6502, et de nombreux programmes utilitaires sont déjà disponibles. On peut citer parmi eux : VisiCalc, Atariwriter (un traitement de texte), et un programme de gestion domestique. Les ordinateurs Atari peuvent par ailleurs recevoir le Personal CP/M de Digital Equipment, grâce à l'adjonction d'une carte comportant un microprocesseur Z80.

Atari ne se désintéresse pas pour autant des logiciels. Ses filiales étrangères sont largement mises à contribution et les meilleurs programmes sont transformés afin qu'ils puissent tourner sur d'autres ordinateurs (ceux qui se vendent le mieux). Des talents nouveaux de créateurs sont recherchés. Après une brève période très difficile, Atari semble pouvoir retrouver sa grandeur d'antan.


Nolan Bushnell

Le destin d'Atari est lié à l'origine à celui d'un seul homme : Nolan Bushnell. Lorsqu'en 1971 il créa Pong, le premier jeu vidéo, il ignorait sans doute quelle boîte de Pandore il venait d'ouvrir.



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