samedi 16 avril 2011

Ma Bell


On doit aux laboratoires Bell bien des découvertes dans l'informatique — dans le domaine des matériels comme dans celui des logiciels.




Il ya une centaine d'années, la reine Victoria s'amusa grandement d'une nouvelle invention qui, de l'île de Wight, lui avait permis de parler à ses ministres restés à Londres. Depuis ces temps héroïques où il fallait actionner la manivelle, le téléphone a bénéficié des multiples progrés nés de la recherche, et dont l'ordinateur est une des principales retombées. Un facteur important à l'origine de ces innovations fut la décision de PAmerican Téléphone and Telegraph Company de créer un organisme de recherche; c'est ainsi qu'en 1925 les laboratoires Bell (connus sous l'expression « Ma Bell ») furent établis à Murray Hill, dans le New Jersey

Il s'agit d'une institution très particulière : elle se consacre uniquement à la recherche fondamentale. ATT est pourtant une compagnie aux buts uniquement commerciaux, mais qui considère que c'est là un investissement à long terme, qui pourra se révéler profitable. Les scientifiques de valeur qui y travaillent sont tenus à l'écart des problèmes techniques quotidiens, et poursuivent leurs travaux comme ils l'entendent. Au fil des années cette politique a valu aux laboratoires Bell deux prix Nobel, et de nombreuses découvertes dans des domaines très différents. Nous n'évoquerons ici que celles qui ont un rapport direct avec la création de l'ordinateur.

Dans les années trente, le téléphone se faisait toujours plus complexe et automatisé. Les messages étaient envoyés sous forme analogique le long des fils, et les appels parvenaient à destination en utilisant l'information contenue dans un code numérique intégré dans un cadran. Le numéro ainsi composé était d'abord traduit : un signal analogique était transformé en une série d'impulsions numériques. Elles étaient maintenues en mémoire grâce à des commutateurs-relais, puis la liaison était assurée par un ensemble de commutateurs à barres croisées, qui comptaient les impulsions et les transformaient en coordonnées sur un panneau de distribution électromécanique. Tous les éléments de l'ordinateur étaient là : il ne manquait plus que quelqu'un pour s'en rendre compte.

Un mathématicien qui travaillait aux laboratoires Bell, George Stibitz, nota la similitude entre le décompte des impulsions et leur addition ultérieure. Travaillant chez lui sur une simple table de cuisine et utilisant de vieux commutateurs à barres croisées et des relais électromécaniques, il construisit les premiers circuits d'ordinateur.

Il entreprit alors des recherches avec un ingénieur nommé Samuel B. Williams, qui construisait des circuits à commutateurs depuis vingt-cinq ans. Tous deux mirent au point un calculateur de nombres complexes. (Les nombres complexes font intervenir des nombres dits « imaginaires » — les racines carrées des nombres négatifs — et ils sont indispensables à la résolution complète des équations polynomiales.) Leurs travaux commencèrent en 1937 et entraînèrent l'utilisation de 450 relais et de 10 commutateurs à barres croisées. 

L'appareil opérait en notation binaire et pouvait diviser deux nombres de huit chiffres en trente secondes. Il devint opérationnel le 8 janvier 1940 et, en septembre de la même année, il fut présenté devant P American Mathematical Society à l'université de Dartmouth (où plus tard naîtra le BASIC). Des claviers de machines à écrire reliés par téléphone au calculateur, installé à New York, permettaient un accès multiple à distance... le traitement décentralisé!

On doit aux laboratoires Bell quelques innovations mineures (certains dispositifs pour les têtes de lecture des bandes magnétiques, les amplificateurs à feedback négatif); mais leur principal titre de gloire reste l'invention du transistor, mis au point en 1947 par Bardeen, Brattain et Shockley. Cette invention a rendu possible l'apparition des ordinateurs de deuxième génération


Premier coup de fil

Les laboratoires Bell doivent leur nom à Alexander Graham Bell (1847-1922), en qui on s'accorde à voir l'inventeur du téléphone en 1876. D'après la tradition, il est admis que les premiers mots jamais transmis le long de fils électriques furent un appel de Bell à son assistant, situé dans la pièce à côté : « Venez ici, M. Watson, j'ai besoin de vous ! »

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